Arnaque : "Poursuites pour pédopornographie"
Alerte du 08/01/2022 Ă 11:44
Cette arnaque par mail qui a fait des milliers de victimes
Des millions de Français ont pu recevoir de faux mails signĂ©s par des hackers se faisant passer pour les forces de lâordre. Une tentative de chantage destinĂ©e Ă subtiliser des milliers dâeuros.
Les experts du dispositif national dâassistance aux victimes, Cybermalveillance, estiment que des millions de personnes ont dĂ» recevoir cette tentative dâescroquerie en quelques mois
« Jây ai cru, malheureusement⊠» Fin novembre, NoĂ©mie, 19 ans, Ă©tudiante en licence de langues Ă©trangĂšres, reçoit un Ă©trange mail signĂ© de la direction gĂ©nĂ©rale de la police judiciaire et lâaccusant de faits trĂšs graves. Un second arrive sur sa messagerie il y a quatre jours. Il est fait Ă©tat de « poursuites judiciaires » la visant, pour des faits de « pĂ©dopornographie, pĂ©dophilie » ou encore « trafic sexuelle (sic) ». NoĂ©mie se dit « surprise » : « Je nâai jamais Ă©tĂ© sur des sites pĂ©dopornographiques ! », assĂšne-t-elle. IntriguĂ©e par les multiples fautes dâorthographe contenues dans ce mail, elle fait quelques recherches en ligne et dĂ©couvre quâil sâagit dâune tentative dâarnaque pour lui extorquer de lâargent, voire rĂ©cupĂ©rer ses donnĂ©es personnelles.
LâĂ©tudiante est loin dâĂȘtre la seule Ă avoir reçu ce mail qui peut surprendre Ă la premiĂšre lecture. Les experts du dispositif national dâassistance aux victimes, Cybermalveillance, estiment que des millions de personnes ont dĂ» recevoir cette tentative dâescroquerie en quelques mois. Depuis le dĂ©but de lâannĂ©e derniĂšre, des prĂ©fectures des quatre coins de lâHexagone ont mis en garde les citoyens concernant ces messages malintentionnĂ©s.
Des milliers de personnes ont pu aller au bout du processus dâarnaque, allant jusquâĂ perdre plusieurs milliers dâeuros chacune. « Elle nâarrĂȘte pas de prendre de lâampleur et de sâamĂ©liorer, câest quâelle fonctionne malheureusement⊠». Si bien quâune enquĂȘte a Ă©tĂ© ouverte par le parquet de Paris et confiĂ©e Ă lâOffice central de lutte contre la criminalitĂ© liĂ©e aux technologies de lâinformation et de la communication (OCLCTIC), annonçait dĂ©but dĂ©cembre le ministĂšre de lâIntĂ©rieur.
« Les victimes sont prises par la culpabilité et la peur »
Le principe de ces mails, contenant parfois une piĂšce jointe - qui, a priori, ne comprend pas de virus - est de faire croire Ă leur destinataire quâil est convoquĂ© par les forces de lâordre pour des faits graves parmi lesquels on trouve, selon les versions, de la pĂ©dopornographie, de la pĂ©dophilie, de lâexhibitionnisme, de la cyber-pornographie ou encore du trafic sexuel, voire toutes ces accusations rassemblĂ©es. Ces courriers usurpent lâappellation de la gendarmerie nationale, parfois de la police, de la prĂ©fecture de police de Paris ou bien dâEuropol.
Les victimes sont alors invitĂ©es Ă poursuivre lâĂ©change en rĂ©pondant par mail. Puis, il leur est demandĂ© de faire un virement bancaire, prĂ©sentĂ© comme une amende, afin de « classer lâaffaire ». Les sommes demandĂ©es oscillent entre 2000 et 7000 euros.
Un autre exemple de faux mail.
Logos, noms de magistrats ou fonctionnaires connus et reconnus actuellement ou ayant Ă©tĂ© en activitĂ© (parfois avec des incohĂ©rences notables, comme lorsque le prĂ©fet de police de Paris Didier Lallement est dĂ©crit comme un « commandant de brigade du dĂ©partement de la protection des mineurs », travaillant pour la gendarmerie), menaces de mandat dâarrĂȘt ou encore de rĂ©vĂ©ler ces accusations publiquement⊠Tout y est pour crĂ©er la panique chez un interlocuteur qui ne comprendrait pas quâil se trouve face Ă un message malveillant. « Une magistrate dont le nom est mentionnĂ© dans ce mail dâarnaque est mĂȘme assaillie dâappels de victimes voulant se dĂ©fendre de toute activitĂ© illĂ©gale ».
Si elle sâest intensifiĂ©e ces derniers mois, poussant les pouvoirs publics Ă communiquer sur les rĂ©seaux sociaux, cette arnaque nâest toutefois pas nouvelle. « On lâa vu apparaĂźtre Ă lâĂ©tĂ© 2020. Les dĂ©linquants, qui achĂštent des listes dâadresses mail volĂ©es sur des sites, ont profitĂ© de la hausse de frĂ©quentation des sites pornographiques pendant les confinements ». En effet, dans leurs tĂ©moignages, les victimes reconnaissent avoir consultĂ© des sites interdits aux moins de 18 ans. « Elles culpabilisent et craignent dâavoir regardĂ© des films avec des actrices mineures sans le savoir. Et mĂȘme si elles nâont jamais Ă©tĂ© sur ces sites, elles prĂ©fĂšrent payer par peur que cela ne soit rendu public, mĂȘme si cela venait Ă ĂȘtre une erreur policiĂšre », poursuit lâexpert.
Comment la détecter ?
Certaines victimes ne dĂ©poseraient mĂȘme pas plainte, ne considĂ©rant pas avoir fait lâobjet dâune arnaque. « La plupart du temps, elles sont embarquĂ©es psychologiquement et sont totalement en panique ». Le temps de se rendre compte du piĂšge, le compte bancaire temporaire des voleurs, souvent ouvert dans une banque Ă©trangĂšre peu regardante sur les piĂšces dâidentitĂ© nĂ©cessaires Ă sa crĂ©ation, a dĂ©jĂ Ă©tĂ© fermĂ©.
MĂȘme si la plupart des internautes repĂšrent rapidement les signaux dâalerte de cette arnaque, il est bon de rappeler les conseils pour la dĂ©busquer. « Pour ce genre de faits, les forces de lâordre ne vous adresseront pas un mail, mais seront lĂ de bon matin, pour une interpellation ». Le ministĂšre de lâIntĂ©rieur rappelle aussi que ses services « nâenvoient jamais de courriel pour procĂ©der Ă des auditions ».