Discours adapté à la spécificité de l'ALSACE -MOSELLE
L’armistice que nous fêtons aujourd’hui, signé en 1918, dans un wagon en forêt de Compiegne, a mis fin à la première guerre mondiale qui a été, comme nous le savons tous, l’une des guerres les plus meurtrières.
20 millions de morts et 21 millions de blessés ont été décomptés à l’issue de ce violent conflit qui a opposé, notamment, l’Allemagne et la France.
L’Alsace, notre province, s’est trouvée dans une position particulièrement difficile durant les 4 années qu’à duré la guerre.
En effet, l’Alsace et la Moselle ont été cédées au Reich de l’empereur
Guillaume Ier, par le traité de Francfort signé en 1871, après la défaite de la France.
Les soldats de chez nous qui ont été obligés de partir au combat étaient alors, de façon très légale, des sujets allemands. Mais ils ont dû tourner leurs armes vers des membres de leurs familles qui, eux, avaient opté pour la France, au moment de l’annexion en 1871 et comme il leur avait été offert de le faire.
Ce fut un déchirement moral pour beaucoup.
Non seulement ils ne se sentaient pas forcément allemands de cœur, puisque personne ne leur avait demandé leur avis pour rejoindre le Reich, mais ils devaient considérer des proches passés de l’autre côté de la ligne de démarcation, comme des ennemis à abattre.
C’est dans ce contexte de contrainte morale très particulière qu’est né, en Moselle, le terme de « Malgré-nous « qui ensuite s’est appliqué à l’ensemble des soldats alsaciens et mosellans mobilisés pour servir l’empereur d’Allemagne.
C’est aussi ce qui les distingue de ceux qui ont été enrôlés au cours de la deuxième guerre mondiale, les « Incorporés de force » dans la Wehrmacht de Hitler, qui en droit international étaient demeurés des citoyens français.
Même si leur sort a hélas été identique, la confusion entre le statut des premiers et des seconds devrait être évitée.
L’empereur Guillaume II avait le droit de recruter les alsaciens mosellans dans son armée, Hitler ne l’avait pas et a commis un crime de guerre en le faisant en dehors de toute légalité.
La défaite de l’Allemagne, en 1918, a eu pour heureuse conséquence de ramener notre province dans le giron de la France.
Ce fut une réelle consolation par rapport au poids des drames endurés par le plus grand nombre au cours de cette guerre qui a été qualifiée à juste titre de « boucherie », tant il y a eu de vies sacrifiées de la pire manière dans les tranchées de sinistre mémoire.
Fêter aujourd’hui l’armistice conclu entre les belligérants, fait évidemment encore toujours sens, car la fin des hostilités doit forcément intervenir pour éviter l’extermination de l’un ou de l’autre des combattants.
Mais nous ne pouvons pas oublier que la paix a été de courte durée, puisque le canon s’est remis a tonner quelques 20 années plus tard et que les victimes ont été au total près du double de la première saignée, déjà colossale.
Nous ne pouvons pas oublier non plus que cette seconde guerre mondiale a été pour une bonne part la conséquence d’une énorme erreur commise par les vainqueurs de 1918.
Le traité de Versailles signé en 1919 a, en effet, constitué une humiliation épouvantable pour l’Allemagne.
Jamais il ne faudrait humilier un adversaire au point de lui dénier toute possibilité de se relever.
C’est probablement là l’enseignement que nous pouvons tous tirer des épreuves qui ont ensanglanté notre Europe et qui affectent à nouveau de nombreux pays dans le monde.
Les conflits sont inévitables . Inhérents à notre nature d’êtres susceptibles , craintifs ou vindicatifs et comprenant difficilement que tous les autres ne soient pas comme nous !
L’apprentissage du vivre ensemble, entre peuples comme entre individus, nécessite l’ouverture d’esprit, la tolérance et le respect mutuel.
En négligeant ces fondamentaux, on crée les conditions d’affrontements voire de guerres qui, toujours, laissent d’horribles cicatrices.
Conclure des armistices est la démarche raisonnable.
Mais, si possible, avant que le sang ne coule.
Car chaque goutte versée, par manque de fraternité, est une goutte de trop.
Pasteur Bernard Rodenstein